La résiliation judiciaire du contrat de travail

Le cadre général

L’article 1217 du Code civil prévoit que :
« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

  • Refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
  • Poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
  • Solliciter une réduction du prix ;
  • Provoquer la résolution du contrat ;
  • Demander réparation des conséquences de l’inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées, des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »
 
Ainsi, les parties au contrat peuvent, pour rompre ce dernier, avoir recours à la procédure de résiliation judiciaire en invoquant sur la base de l’article 1247 du Code civil précité, le fait que l’autre partie n’a pas satisfait à son engagement.
 
La jurisprudence admet la possibilité pour le salarié de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l’employeur lorsque celui-ci n’exécute pas ses obligations contractuelles.
L’action en résiliation judiciaire du contrat de travail relève de la compétence exclusive du Conseil de prud’hommes.
 
Contrairement à la prise d’acte, l’action en résiliation judiciaire n’entraine pas la rupture du contrat de travail. Le salarié continue donc de travailler normalement au sein de l’entreprise.
 
Ainsi, si le juge prononce la résiliation du contrat, le contrat de travail est rompu à la date du prononcé de la décision judiciaire, et non à la date de saisine du juge, dès lors que le salarié est toujours au service de son employeur à cette date et que le contrat de travail n’a pas été rompu avant la décision prononçant la résiliation (Cass. Soc., 21 septembre 2016, n°14-30.056).
 
L’employeur ne saurait rompre le contrat du travail du salarié une fois la résiliation judiciaire prononcée. En effet, en vertu du principe « rupture sur rupture ne vaut », lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail a été prononcée aux torts de l’employeur, le licenciement notifié ultérieurement par ce dernier est sans effet. Toutefois, si le licenciement est notifié après le jugement de résiliation mais avant la décision de la Cour d’appel saisie d’un recours de l’employeur, la Cour d’appel doit d’abord se prononcer sur le bienfondé de la résiliation (Cass. Soc., 5 avril 2005, n°02-46.334). Ce n’est que si elle infirme la décision des premiers juges, c’est-à-dire si elle considère qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, que la Cour d’appel examinera éventuellement le bien-fondé du licenciement prononcé ultérieurement.
 
Il en est de même pour ce qui est d’un licenciement prononcé postérieurement à l’introduction de la demande de résiliation judiciaire par le salarié mais avant que le juge ait statué. Dès lors que le salarié a continué de travailler et que l’employeur le licencie pour des faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée (Cass. Soc., 26 mars 2014, n°12-21.372). Ce n’est que si le juge estime la demande de résiliation infondée qu’il statuera sur le bien-fondé du licenciement.
 
En cas de demande de résiliation du contrat suivie d’une démission, cette dernière rompt le contrat et rend la demande initiale sans objet. Le salarié peut néanmoins obtenir réparation du préjudice subi. De même qu’il peut demander la requalification de sa démission en prise d’acte.
 
Les manquements de l’employeur justifiant une action en résiliation judiciaire
 
C’est au fur et à mesure que la jurisprudence fournit la liste des manquements « suffisamment graves ».
 
Tel est le cas par exemple :

  • De la violation du principe d’égalité salariale (Cass. Soc., 23 mars 2011, n°09-70.607) ;
  • Du non-paiement d’une prime conventionnelle d’ancienneté (Cass. Soc., 8 avril 2010, n°09-41.134) ;
  • De l’atteinte à la dignité du salarié en raison des propos que l’employeur avait tenus sur son odeur corporelle (Cass. Soc., 7 février 2012, n°10-18.686) ;
  • Du non-respect du droit au repos hebdomadaire (Cass. Soc., 7 octobre 2003, n°01-44.635) ;
  • Ou encore de l’absence de reprise de versement des salaires à l’expiration du délai d’un mois à l’issue de la visite de reprise (Cass. Soc., 20 septembre 2006, n°05-42.930).

Les effets de la résiliation judiciaire
 
La résiliation judiciaire prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
 
Le salarié peut alors prétendre :

  • Aux dommages et intérêts prévus par les articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du Code du travail, soit à l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
  • Aux indemnités légales ou conventionnelles de licenciement et aux indemnités compensatrices de préavis et de congés payés.

A noter que l’indemnité de préavis est toujours due en cas de résiliation aux torts de l’employeur, même si le salarié était dans l’incapacité d’exécuter son préavis, pour invalidité par exemple (Cass. Soc., 28 avril 2011, n°09-40.708).
 
Par ailleurs, la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’employeur, en raison notamment du harcèlement moral dont le salarié a été victime sur son lieu de travail produit les effets d’un licenciement nul. La qualification de licenciement nul emporte plusieurs conséquences financières. L’employeur alors verser au salarié les indemnités de rupture ainsi qu’une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire (Cass. Soc., 20 février 2013, n°11-26.560).